Stephen Hawking ou l’œil du faucon royal

Il est des parcours de vie parfois fort surprenants, parfois contrenature. La maladie de Charcot que vous avez contractée à l’âge de 21 ans ne vous laissait que trois ou quatre années de vie, vie qui devait se terminer avant vos 25 ans. Vous venez de mourir à 76 ans. N’est-ce pas là un joli pied de nez à l’adversité ?

Un parcours surprenant tant vos travaux scientifiques, maintes fois salués, trouvent à mon sens une résonance dans votre existence de personne handicapée. Infiniment empêché dans votre corps, vous avez travaillé sur l’infiniment grand. Vous avez démontré combien les trous noirs n’étaient pas si noirs du fait, notamment, qu’à l’occasion de la fusion de deux d’entre eux, la surface obtenue est plus grande que l’addition des deux surfaces initiales. L’explication, fort complexe dans sa démonstration, conclut un rayonnement, le rayonnement qui porte votre nom.

Défi à tous les pronostics médicaux

Vous avez travaillé à rapprocher la physique quantique et la relativité générale, les deux piliers de la physique contemporaine, piliers contradictoires n’évoluant pas dans le même espace-temps. Vous étiez convaincu d’une union possible entre ces deux mondes. L’astrophysicien que vous étiez connaissait inévitablement cette idée assez simple de la physique quantique qui veut que, lorsqu’on comprime dans l’espace un système, il se met à dégager davantage d’énergie. Votre corps, extrêmement comprimé dans ses facultés, fut habité par votre esprit brillantissime, plein d’énergie, débordant de vie diront ceux qui ont eu la chance de vous croiser. Plus que de vous laisser aller, vous avez lutté contre la mort maintes et maintes fois, défiant tous les pronostics vitaux que la médecine posa au cours de votre vie. Eh oui, il existe toujours une lumière au fond du plus grand trou noir : le rayonnement d’HAWKING.

Connaître la pensée de Dieu

Rapprocher ce que tout sépare, unifier tant de diversité dans une théorie du tout, analogie avec celle que vous défendiez, grâce à laquelle « nous pourrons connaître la pensée de Dieu », disiez-vous, est un chemin sur lequel il me plaît de courir. Oui, je crois et j’affirme qu’un être humain plus un autre être humain, quelles que soient leurs différences, ne font pas deux êtres humains mais bien plus. Que la personne handicapée, trop souvent contrainte par tous les préjugés, trouve parfois en elle une énergie éblouissante, porteuse de vie pour tous ceux qui la côtoie. Très cher Monsieur Hawking, vous étiez connu dans votre jeunesse pour vos qualités de barreur en aviron où vous vous illustriez dans les compétitions entre grandes écoles avec votre voix puissante. Cette voix qui s’est tue suite à votre maladie en a ouvert de multiples dans le champ de la science mais aussi, j’en suis sûr, dans celui des humanités.

La foi en soi

Voyez-vous, cher Stephen, contre toute attente, la plus grande démonstration que vous avez faite au cours de votre existence est bel et bien celle que tout être humain porte en lui le pouvoir de résurrection. Votre longévité contre nature enseigne à ceux qui en douteraient encore combien la foi peut faire se jeter les montagnes dans les océans. La foi en soi, la foi en ses projets, porte l’humain dans l’émotion et le sentiment. L’amour de soi, sans lequel on se meurt, l’amour de l’autre sans lequel on recule, la soif d’apprendre et la curiosité ont été, j’en suis sûr, votre source de vie.

L’œil de faucon que vous avez posé sur la science, et indéniablement sur l’existence, vous a permis de percer bien des mystères de la vie, faisant de vous un véritable Homme d’exception.